LA GRANDE HISTOIRE ET LES PETITES HISTOIRES DE LA TOMATE

   

L'Histoire précolombienne


La tomate sauvage originaire des vallées des Andes. Les Incas (1400-1527)
La tomate sauvage est une plante vivace originaire des vallées andines. Plusieurs espèces apparentées sont à l'origine de la tomate cultivée, en particulier Solanum esculentum var. cerasiforme et sporadiquement solanum pimpinellifolium. Plante lianescente, ramifiée, rampante, la tomate sauvage produit de petits fruits pleins de graines et assez amers.
D'autres solanum courants dans ces régions pouvaient être utilisés par les populations : Le pépino (Solanum muricatum) etc...
 
Les Incas pratiquaient des cultures complexes, en particulier les pommes de terre et le maïs. Les images suivantes sont extraites de "Nueva corónica y buen gobierno" (1615) de Guaman Poma, livre qui décrit à postériori les coutumes des peuples incas. On remarque sur ces images l'utilisation de cultures intercalées parmi le maïs (pomme de terre ou cacahuète ?) et le système d'irrigation développé.


Maïs et cultures intercalées


Cultures irriguées

Dans le "Nueva corónica y buen gobierno" (1615) de Guaman Poma, on ne trouve pas mention de la tomate comme plante cultivée., bien que de nombreuses cultures soient décrites.

Par contre cette image, de source inconnue à nos yeux, montre des cultivateurs indiens en train de récolter des tomates. Il semblerait que cette image soit une interprétation bien postérieure à la réalité des peuples incas. Nous cherchons la source de ce document.


Culture des pommes de terre par les Incas
Il est possible qu'une domestication de la tomate ait eu lieu au Pérou, en remontant vers l'Amérique centrale.
 
Les aztèques, la tomate plante cultivée. 1400-1524
  • Les populations aztèques du Mexique cultivaient et mangeaient des tomates, qu'ils avaient domestiquées et déjà améliorées par rapport aux formes sauvages.
  • Le mot Tomatl, en langue Nahuatl, la principale langue des Aztèques désigne la tomate. Plusieurs langues actuelles utilisent donc ce mot d'origine aztèque : Tomate en Français, tomato en anglais, tomate en espagnol...
  • Il ne nous est pas parvenu d'images de tomates du peuple aztèque. D'autres plantes cultivées par eux ont été représentées dans les codex précolombiens, comme le maïs qu'on voit ci-contre.
  • Cependant les descriptions faites par les conquistadores à partir de 1527 et les tomates rapportées en Europe témoignent de la culture de ce fruit.


Illustration aztèque représentant un plant de maïs
Codex magliabechiano

 

Matthiolus, première description de tomate rapportée d'Amérique

Les fruits utilisés pas les Aztèques et rapportés en Europe étaient déjà variés, comme l'atteste la description de Matthiolus, botaniste et médecin italien, en 1544 dans "Petri Andreae Matthioli medici senensis Commentarii, in libros sex Pedacii Dioscoridis Anazarbei". C'est la première description connue des tomates. C'est grâce à cette description qu'on pense que les tomates cultivées par les Aztèques étaient déjà diversifiées.

Couverture et page du livre de Matthiolus
qui décrit pour la première fois la tomate (éd. 1554).

Traduction en français de Guillaume Rouillé
en 1572 (couverture et page correspondante)

Voici les extraits agrandis de la description (en latin et en français) :


Dans le texte en latin de 1554

Dans la traduction en français de Guillaume Rouillé en 1572
   

"De plus, il n'y a pas longtemps qu'on a commencé à voir une autre sorte d'aubergine plate, rondes comme des pommes, divisées en côtes comme des pompons, d'abord verte, puis étant mûres, jaunes comme de l'or sur quelques plantes, et rouges sur d'autres. On les appelle vulgairement Pomi d'oro, Pommes d'or. On les mange comme les susdites (les aubergines ndlr, voir ci-dessous) : mais elles donnent envie de vomir et font souvent vomir."
La Recette des Aubergines en Italie, vers 1544, valable pour les tomates :

"On les pèle étant bouillies, puis taillées en pièces et saupoudrées de farine on les fricasse en huike ou beurre, et on les mange avec sel et poivre, n'étant ainsi de mauvais goût... "


Portrait de Matthiolus dans
l'édition de Rouillé (1572)
Vous pouvez consulter l'ensemble de ces deux ouvrages numérisés :
La version de 1554 en latin :
Petri Andreae Matthioli medici senensis Commentarii, in libros sex Pedacii Dioscoridis Anazarbei
La traduction en français de 1572 :
traduction en français de Guillaume Roullié en 1572

 

Les premiers pas de la tomate en Europe


Rapportée en Europe par les Conquistadores à la suite de la découverte des Amériques par Christophe Colomb et Cortes, la tomate est rapidemant classée par les botanistes dans la famille des Mandragores, une cousine de la tomate, bien connue en Europe et réputée pour sa toxicité. Voyons quelques descriptions de l'époque.
   
Nous avons déjà évoqué ci -dessus la première description de Matthiolus. Voici les premières représentations imagées des pieds de tomates qui nous sont parvenues :


Fuchs, non publié, vers 1550.

Peut-être la première image d'un pied de tomate !

A gauche, extrait de l'ouvrage de Rembert Dodoens, botaniste flamand, né à Malines : "Histoire des plantes, en laquelle est contenue la description entière des herbes... non seulement de celles qui croissent en ce païs, mais aussi des autres estrangères qui viennent en usage de médecine, par Rembert Dodoens... traduite de bas aleman en françois, par Charles de l'Escluse" édité en 1557.
On note dans le texte les couleurs : "rouges", "blanchâtres" ou "jaunes", l'odeur "puante et étrange" des feuilles et le fait qu'elle est "aussi dangereuse pour en user" que la Mandragore.

A droite, une planche non publiée du Botaniste allemand Fuchs, vers 1550.
Là aussi la diversité des couleurs et des formes est remarquable.

   
   
Deux autres représentations plus proches des plants que l'on connait, dès 1572


Mattioli, Pietro Andrea ( 1590 ), dans une édition en allemand et en couleur des "commentaires sur Dioscorides"

Matthias de l'Obel, botaniste né à Lille,dans : "Plantarum seu stirpium historia. ex officina Christophori Plantini" (1576)

   
Guilandinus de Padoue, dans une édition de 1572 de "Papyrus : hoc est commentaria in tria C. Plinii maioris de papyro capita". à venir
Andrea Cisalpino, dans une édition de 1593 de "De Plantis, libri XVI". à venir
   

Pour Olivier de Serre, en 1600 dans le Théatre de l'agriculture, la tomate est une plaisante ornementales, mais ne se mange pas :
"Les Pommes d'Amour, de Merveille et dorées demandent commun terroir et traitements, comme aussi communément servent-elles à couvrir cabinets et tonnelles, grimpant gaiement par dessus, s'agraffant fermement aux appuis. la diversité de leur feuillage rend le lieu auquel on les assemble fort plaisant et de bonne grâce, les gentils fruits que ces plantes produisent pendant parmi leur ramure. A l'issue de l'hiver les graines en sont semées, seul moyen de se multiplier (engeancer) de ces plaisants arbustes dont la délicatesse ne souffre les rudes froidures. Pour laquelle cause ne durent-ils qu'une saison, se mourant comme les Melons et Concombres à l'approche de l'hiver. Leurs fruits ne sont bons à manger, seulement sont-ils utiles en la médecine, et plaisants à manier et flairer."


Olivier de Serre, dans "Le Théatre de l'agriculture" (1600 )
   

Les noms variés qu'on lui a donné à cette époque :

Mala insana, Mala aurea, Poma aurea, Malum aureum, Pomum aureum, ¨Poma ou Pomum amoris, Aurea mala, pomme d'amour, pomme d'or, pomme dorée, mais aussi Lycopersicon Galeni ou Tumatle americanorum : à droite, l'article sur la pomme d'amour de Gaspard Bauhin, dans une édition de 1623, qui recense les noms déjà donnés.

Plante considérée comme toxique, diabolique, pas comestible, essentiellement à cause de sa classification par les botanistes dans le groupe des Mandragores, proches des Belladonnes ou des Morelles, toutes plantes toxiques bien connues à l'époque :


Pinax theatri botanici, sive Index in Theophrasti Dioscoridis, Plinii et Botanicorum qui a saeculo scripserunt opera, 1623

 

 

 
Après des débuts hésitants en Europe, voyons maintenant le lent renouveau de la tomate, de 1600 à 1800
 
à suivre....
   
 
Mis à jour le 1er décembre 2008