Hypero Tomo
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Slow Food "Souad"
« Si vous voulez, vous pouvez voir le Dr Amoukrane »
Je m’attendais à rencontrer un jeune interne venu faire une pige en Europe. Plus personne ne veut travailler dans cet hôpital où croupissent les malades mentaux. Seuls les étudiants en formation y trouvent de quoi compléter leur cursus. Dans le plus grand asile psychiatrique d’Europe s’entassent les malades les plus incurables et les médecins chassés de chez eux. C’est le couloir du bout du monde et c’est au bout de la rue.
Quelle ne fût pas ma surprise de rencontrer une femme d’âge mûr, au visage doux qui respirait la sérénité. De suite la mayonnaise prit entre nous. Une rencontre inattendue, le début d’une amitié. Je venais pour lui vendre le médicament miracle, un vieux coucou revisité par le marketing agressif d’une société pharmaceutique avide de redistribuer ses profits aux gentils actionnaires avides qui n’avaient qu’une seule préoccupation : l’avidité.
Notre relation se bâtissait sur d’autres valeurs. Son bureau que lui avait obligeamment concédé l’administration pour s’occuper des sédiments hospitaliers qui ornaient depuis des décennies les couloirs de ce mouroir d’aliénés et dont la société préoccupée par d’autres objectifs plus rémunérateurs avait laissé croupir jusqu’à leur dernier souffle, son bureau respirait une mort certaine et violente, celle qui vous entraîne vers la déchéance et la décrépitude.
« Venez chez moi, nous serons mieux »
Au fil de nos rencontres, j’appris à la connaître. Plus besoin de prendre rendez vous. Juste sonner à la porte de son modeste domicile qui respirait la simplicité et l’harmonie. Elle commença à me raconter son parcours. Enfant d’Alger, elle fût la première fille a intégrer l’école Française réservée aux colons grâce à ses résultats. Médecine en France, puis psychiatrie à Ste Anne, militante féministe, un cabinet privé, une chaîre universitaire, puis après un parcours sans faute, le spectre de l’horreur. Un homme sonna un soir à son domicile.
« Partez cette nuit, vous êtes sur la liste noire, des hommes viendront demain pour vous abattre »
L’exil, une valise comme compagne, une vie qui touchait à son zénith, tout s’écroulait en un coup de sonnette. Il fallait partir pour échapper à la mort. Elle se retrouvait dans cet HLM minable qui sentait la merde et qui résonnait de tous les maux de notre société.
Mais son cœur restait serein, son âme embaumait la bonté. Plus rien ne pouvait l’atteindre. Elle avait frôlé la mort, mais lui avait fait la nique.
« Quand tu as tout perdu, et que tu es en vie, plus rien ne peut t’arriver ! » me dit-elle avec le sourire des sages.
« Viens tu dois avoir faim, tu n’as pas mangé ? »
Pour couvrir l’odeur de crasse et d’horreur qui l’entouraient, elle cuisinait lentement des petits bonheurs de vie, ceux de son enfance, patiemment. Une fois la porte d’entrée refermée, l’air embaumait les épices, les fruits confits et l’amour de la vie. Un ange passe et moi je l’ai vu.
L’Orage passe, elle revint au pays. Elle fût chargée d’une mission auprès du gouvernement de son pays pour lutter contre la violence faite aux femmes. Elle avait atteint la limite d’âge pour reprendre la Chaire de psychiatrie de l’université. Deux membres de sa famille y perdirent la vie, mais elle pas son sourire.
Durant toutes nos rencontres, elle m’a comblé de ses recettes d’enfances, et moi je n’avais plus le cœur à lui parler de mon médicament miracle qui ne guérit que l’angoisse des avides actionnaires.
Ce matin un entrefilet dans une dépêche m’apprit ce que je redoutais. Je ne la reverrai plus…
Le caviar de Souad
Prenez les aubergines de votre jardin, volez les bref ce n'est pas ce qui manque en ce moment...
Coupez les dans le sens de la longueur, placez les dans lèche frites, juste un peu d'eau au fond pour qu'elles n'attachent pas. Au four 35 minutes.
Elles doivent brunir et au toucher être moles.
Les gratter à la fourchette, en prenant soin de ne pas mettre la peau
Une fois le grattage terminé, toute la pulpe avec les graines doit être battu à la fourchette (mixer interdit, sinon ce n'est plus un caviar, c'est du gloubibulga infâme)
Ail, Gros sel, Huile d'olive des hameaux libres de la vallée des Merveilles (Fifouland)
Et voilà le résultat, Jus de citron, émulsion, laisser quelques heures au frigo, servir sur toasts
Candide Voltaire