Sergio, est-ce dans tes coins il y a des pratiques qui s'apparentent au carbochar (charbon de bois, terra prieta) ?
Alors JPP, voici ce qui se passe en Guyane.
Le maraîchage est assuré pour sa majeure partie par des agriculteurs Hmonghs, qui sont arrivés comme boat people laos au début des années 70. Il y a surtout deux grosses implantations, la plus importante est à Cacao, à l'est, alors qu'une autre plus petite est à Javouey à l'Ouest.
A Javouey, les terres sont plus favorables qu'à Cacao où c'est vraiment de la latérite rouge. Ca ne les empêche pas de cultiver de la même façon : chimie à fond la caisse.
Quand je dis à fond la caisse, je n'exagère pas, ils traitent, ils traitent et ils traitent. Ce à quoi s'ajoute la fertilisation chimique bien entendu. On ne peut pas s'imaginer en métropole ce qui se passe ici au niveau de la chimie dans le maraîchage !!!!!
La chambre d'agriculture est présidée tantôt par E tantôt par L. Par devant ils s'opposent mais en fait c'est la même engence.
L fut avec quelques autres à l'origine de la création d'un syndicat nommé le Grage (c'es la vipère ici) qui était censé être une émanation de la Confédération paysanne. Très rapidement, le Grage n'a plus eu grand chose à voir avec la Confédération paysanne, s'engageant finalement dans la même voie désastreuse que son concurrent la FDSEA, donc la sinistre FNSEA.
E, l'actuel président de la chambre d'agriculture, est le responsable de la FDSEA. C'est aussi un vendeur de chimie et il est de plus en plus agacé par notre plate-forme de compostage parce quelques agriculteurs se mettent à acheter du compost (bonne valeur attestée par des analyses) au tarif agricole et lui achètent moins de merde...
E a battu L aux dernières élections de la Chambre.
Lorsqu'on leur parle de respect de la terre, de nourrir le sol et de trouver des alternatives à la chimie, ils vous regardent d'un air condescendant (quand ils ne rigolent pas carrément) et finissent par un "La bio c'est pas possible en Guyane". En effet, nous avons beaucoup de parasites et des sols pauvres, mais les voisins du Nord Brésil ou d'autres au nord-ouest du continent mènent des projets bio à bien.
Ici tout est hyper archi verrouillé par les intérêts locaux. Exemple : longtemps la Guyane a produit ses briques à partir de la latérite, on voit encore de ces briques dans quelques vieux endroits. La dernière briquetterie a fermé il y a déjà pas mal d'années. Il y avait un projet pour en rouvrir une il y a quelque temps. Ca a été bien cassé. Il y a ici un puissant lobby des importateurs de ciment et de parpaings qui ne veulent en aucun cas voir le retour de la brique...
Pareil pour le secteur agricole, les vendeurs de chimie contrôlent absolument tout et bloquent tout aussi. Voir une filière bio réellement naître, non seulement ne les intéressent pas, mais en plus contrarie leurs intérêts financiers.
Alors tu penses bien, JPP, qu'expérimenter sur la Terra Preta ici s'apparente à de la science-fiction.
.Mais ça va peut-être changer un peu, quelques raisons d'espérer :
- il va peut-être enfin (j'ai appris ici à ne jamais vendre la peau de l'ours) se monter un beau projet à l'Ouest en 2011, j'ai un copain qui est dedans
- j'ai une amie enseignante au lycée agricole (nous n'en avons qu'un) qui se bat comme une folle pour lancer le bio dans son établissement depuis plusieurs années. Elle a enfin pu commencer quelques trucs l'an dernier, et le proviseur est favorable au développement de l'activité. Mais quelle lutte, quelle fatigue, quel mépris en face aussi...
Il y a quand même de plus en plus de gens qui essayent de structurer et d'amorcer la filière en dépit de l'opposition de la Chambre (qui officiellement jurera le contraire évidemment...). Une des façons dont s'exprime ce sabotage c'est la non réponse systématique à tout dossier qui leur est envoyé dans ce domaine...
Une petite association de producteurs tourne à l'Ouest maintenant et nous avons deux producteurs de miel certifiés bio.
Je sais que certaines personnes font quelques essais, inspirés de la Terra Preta, avec du charbon. Mais ça reste des initiatives individuelles très limitées.
Il faut rester prudemment optimiste, la demande de produits issus d'une agriculture et d'un élevage sains est en croissance constante ici alors que l'offre est encore presque inexistante. Ca va finir par déboucher, mais avec la Chambre/FDSEA qui non seulement ne fera rien pour aider mais ne se gênera pas pour peser en sens inverse...
Voilà, si le projet à l'Ouest démarre effectivement en 2011, j'en reparlerai ici.