Mar 15 Déc 2009 12:13 par Craonne
Oui, tu as raison, il est temps de donner des nouvelles du haricot magique brésilien arrivé à pied par la Chine, puis par la poste, de la Drôme non provençale jusqu'à la Bretagne profonde !!!
Tout d’abord, il a joué les frimeurs en pot dans la véranda, s’élevant de plusieurs centimètres par jour.
Mais au bout d’un moment, il était temps pour lui d’affronter les dures réalités de la vie et de se frotter un peu à son nouvel environnement.
Un tipi a donc été construit spécialement, afin qu’il puisse satisfaire ses ardeurs. « Toujours plus haut « semblait être la devise qu’il avait adoptée… Afin que le dépaysement ne soit pas trop perturbant, nous lui avions planté des copines exotiques, prêtes elles aussi à s’élancer vers le soleil, mais malgré le nom trompeur d’Ipoméa Batata, nous nous aperçûmes bien vite que les patates douces apprécient davantage le plancher des vaches que la varappe ! Pourtant, elles nous gratifièrent de quelques magnifiques fleurs mauves, malgré leur port de limaces, et je crois que le haricot en a pris ombrage.
En effet, le choc avait été rude pour lui… De la douce moiteur de la véranda, voilà qu’il devait subir le doux climat breton de plein-air, avec ses ondées bienfaisantes et sempiternelles, et son vent à décorner les plus fiers béliers d’Ouessant… Du coup, il s’est enfermé dans un certain mutisme, lui, le lièvre à vrilles, dépassé à la course par des tortues rampantes.
Il aura fallu beaucoup de persuasion et l’ajout d’un carillon chinois qui devait lui rappeler son pays natal d’adoption, pour qu’il daigne enfin commencer à s’intéresser aux montants du tipi. Une éclaircie lui a rendu un peu de courage, et durant plusieurs semaines, il a snobé ses voisines, déployant une énergie turgescente, vrillant à qui mieux-mieux vers le septième ciel… Une petite capucine tubéreuse arrivée là par hasard, a bien tenté de le rattraper, mais rien ne semblait plus arrêter notre montagnard dans son ascension fulgurante…
Au hasard d’un enroulement, il s’est retrouvé face au tipi d’à-côté où les capucines et la glycine tubéreuses n’avaient pas attendu le dégel pour atteindre le sommet de leur échafaudage, et épanouissaient de merveilleuses fleurs. Un rapide coup d’œil lui a fait comprendre qu’il n’allait pas tarder à n’être plus qu’un outsider dans la compétition qu’il avait lui-même engagée…
Il a sorti dare-dare ses plus belles vrilles pour tenter une ultime remontée mais ça doit être à ce moment-là qu’il est arrivé juste sous les drapeaux de prières tibétains, malencontreusement attachés d’un tipi à l’autre pour souhaiter la bienvenue à ces belles exotiques… En effet, en Bretagne, malgré le nombre infini de Saints en tous genres qu’il est bon d’invoquer en toute occasion, une petite protection supplémentaire n’est pas à négliger, puisque malgré nos recherches, il n’a pas été possible de trouver le Saint-Patron qui nous protègerait de l’ondée bienfaisante et sempiternelle…
Les drapeaux de prières, ainsi qu’une statue de Sainte Rita, patronne des causes désespérées, discrètement enterrée au pied du tipi, nous semblaient donc un maraboutage non superflu.
Malgré la douce mélopée du carillon chinois, le haricot magique n’a pas du tout apprécié l’allusion, certes, déplacée, aux atteintes aux droits de l’homme de ses compatriotes envers les pieux Tibétains…
Cette dernière avanie a marqué le début de sa dégringolade spirituelle. A partir de là, même les danses incantatoires n’ont pu le débrider… Nous avons essayé de lui réciter le Shi Jing, le petit livre rouge de Mao, tenté un arrangement feng shui de betteraves autour du tipi, pratiqué le Qi Gong chaque matin à son pied pour l’aider dans son Développement Personnel…
Peine perdue, la magie s’était éteinte…
Jusqu’à ce triste jour de novembre, où un ultime coup de bambou breton a brisé le bambou du tipi. Le haricot s’est accroché à cette ruine, squelette desséché et pitoyable, gisant au sol, sous un linceul de drapeaux de prières tibétains.
Nul doute que sa petite ombre chinoise a maintenant rejoint la Roue des Incarnations, qui lui permettra d’atteindre, un jour, la Pureté Céleste…
An Douar a zo re gozh evit ober goap anezhañ...
Si ça continue, va falloir que ça cesse... L'Autruche écologique, la tête dans le compost