Mer 7 Mai 2008 07:54 par Ambiorix
Voici une partie d'article qui a paru l'année dernière sur le site de Kokopelli.
Nous allons maintenant évoquer les techniques de “pollinisation contrôlée” permettant à un jardinier de produire des semences de plusieurs variétés de la même espèce dans le même jardin sans tenir compte des distances d’isolement.
La première technique consiste tout simplement à cultiver sous protection d’un voile toutes les plantes de la même variété. On peut ainsi confectionner un mini-tunnel avec des arceaux recouverts d’une moustiquaire en tulle ou en fine maille métallique. La seule contingence réelle de cette technique est la nécessité d’introduire des insectes pollinisateurs car sans eux, les plantes ne pourront pas être fécondées.
Des ruchettes de bourdons sont commercialisées par des sociétés spécialisées mais elles représentent évidemment un certain coût. Ce coût peut être partagé par deux ou trois jardiniers dans la mesure où il suffit qu’un mini-tunnel soit visité tous les deux ou trois jours par des insectes pollinisateurs. Les bourdons rentrent dans la ruchette durant la nuit et il est donc aisé de les transporter sur un autre site.
On peut également optimiser l’usage de telles ruchettes (normalement destinées à polliniser sur de grandes surfaces et pendant plusieurs semaines) en créant un assez long tunnel qui pourra accueillir une variété de chacune des espèces de Cucurbita avec une variété de concombre, une variété de melon, une variété de pastèque, une variété d’aubergine, une variété de gombo. Toutes les semences produites seront pures variétalement.
La seconde technique est celle de la pollinisation manuelle. Elle consiste à ligaturer le soir les fleurs mâles et femelles qui vont s’épanouir le lendemain matin. Avec un peu d’expérience, il est très aisé de les reconnaître car elles acquièrent une couleur jaune caractéristique. Parfois même les fleurs de certaines variétés ont l’extrémité de leurs pétales très légèrement ourlés, la veille de leur épanouissement. La ligature s’effectue à l’extrémité de la fleur. Nous utilisons tout simplement du ruban adhésif destiné à protéger les bords des huisseries dans les travaux de peinture. Il est conseillé de ligaturer au moins deux fleurs mâles pour chaque fleur femelle à polliniser.
Dans les jardins accueillant un très grand nombre de plants de courges, il est pratique de signaliser les fleurs femelles ligaturées par un piquet coloré, par un morceau de ruban adhésif coloré collé sur la feuille située au-dessus , ou par tout autre moyen permettant de les retrouver facilement le lendemain. Il est également préférable de parcourir le jardin le lendemain selon le même parcours utilisé la veille et selon les mêmes directions, par exemple d’est en ouest.
Les fleurs femelles ligaturées sont en effet plus faciles à repérer lorsque la direction du parcours de travail est la même, en raison de l’orientation naturelle des feuilles.
Le matin, les fleurs mâles sont cueillies, libérées de leur ligature et leurs pétales sont otés. Le ruban adhésif de la fleur femelle est ensuite délicatement enlevé. Si l’une ou l’autre fleur, une fois libérée de la ligature, ne s’épanouit pas totalement et naturellement, c’est qu’elle n’est pas “mature”: on ne peut donc pas l’utiliser pour le processus de pollinisation manuelle.
La pollinisation est effectuée en badigeonnant le pollen des fleurs mâles sur chaque partie du stigmate de la fleur femelle. Il faut être très vigilant car il arrive parfois qu’une abeille atterrisse en plein milieu du processus de fécondation. Ce dernier doit alors être abandonné en raison de l’intrusion de pollen étranger.
Lorsque la pollinisation s’effectue correctement, il faut refermer soigneusement la fleur femelle en l’entourant délicatement de ruban adhésif. Il ne faut pas oublier de fixer, de suite, du lien horticole autour du pédoncule de la fleur pollinisée afin de pouvoir reconnaître aisément en fin de saison les fruits qui auront été pollinisés manuellement. Le lien doit être assez lâche pour permettre au pédoncule de grossir sans problèmes.
Il est conseillé d’effectuer cette pollinisation manuelle le plus tôt possible. En effet, les pollinisations manuelles effectuées en fin de matinée par saison très chaude ont très peu de chances d’être couronnées de succès dans la mesure où le pollen aura chauffé et fermenté et ne sera plus viable. Il ne faut pas oublier que, laissées à elles-mêmes, les fleurs se referment naturellement en milieu de matinée.
Avant de réaliser la pollinisation manuelle, il faut veiller à ce que les fleurs ligaturées ne soient pas percées à leur base: il arrive en effet que certains insectes, tels des gros bourdons, s’ouvrent un passage de force. Cette intrusion peut également se manifester après que la pollinisation ait été effectuée et il est sage de vérifier le lendemain que les fleurs pollinisées la veille aient gardé leur intégrité. Ce type d’intrusion reste cependant une exception.
Dans la mesure du possible, il faut éviter de polliniser une fleur femelle avec une fleur mâle cueillie sur la même plante.
Les pollinisations manuelles seront plus couronnées de succès lorsqu’elles sont effectuées au tout début de la phase de la fructification. Lorsqu’un fruit s’est déjà formé naturellement ( à savoir par pollinisation d’insecte) sur une plante destinée à être pollinisée manuellement, il est fortement conseillé de cueillir ce fruit afin que le fruit pollinisé manuellement puisse bénéficier de toute la vigueur de la plante. De même, le nombre de fruits pollinisés par plante sera déterminé par la longueur de la saison normale de croissance, par le niveau de chaleur de l’été et par la nature de la variété.
Ainsi, on peut polliniser un seul fruit d’une variété de “potiron géant”, deux fruits d’une variété de “potimarron”, trois fruits d’une variété de “patisson” et une dizaine de fruits d’une variété de “pomme d’or”.
Nous avons pu constater que certaines variétés de courges semblaient plus récalcitrantes que d’autres à la pollinisation manuelle. C’est la cas, par exemple, de la variété “Potiron vert olive”. Il reste, cependant, à prouver que cette difficulté soit intrinsèque à la variété et qu’elle ne soit pas plutôt une conséquence d’une certaine inadaptation de la dite variété à tel ou tel environnement.
Lorsqu’en début de saison, on souhaite pratiquer des pollinisations manuelles sur les courges, il faut veiller à ce que l’espacement entre les variétés soit amplement suffisant pour que les tiges ne se mélangent pas et que les fleurs (en particulier les fleurs mâles) soient facilement repérables pour chaque variété.
Pour une production de semences bénéficiant d’une bonne diversité génétique, il est recommandé de cultiver au minimum 6 plantes de chaque variété. L’idéal est d’en cultiver une douzaine ou encore mieux une vingtaine si l’espace dans le jardin le permet.
Production de semences
Lors de la récolte des fruits, il est conseillé d’attendre le plus longtemps possible avant de les ouvrir pour en extraire les semences. En effet, ces dernières continuent de se former à l’intérieur du fruit: lorsque l’on attend un mois, ou plus, la qualité et la viabilité des semences est meilleure.
A l’ouverture du fruit, les semences sont extraites à la main et on peut les laver en en détachant la pulpe. Elles sont ensuite mises à sécher de suite sur un petit tamis dans un endroit sec et ventilé. Les semences de courges prennent un certain nombre de jours à sécher complètement. Un ventilateur peut grandement accélérer le processus. Les semences sont totalement sèches si elles cassent lorsqu’on tente de les plier. Il est fortement déconseillé de les sécher sur du papier car on ne peut plus ensuite les en détacher.
Les semences de courges ont une durée germinative moyenne de 6 ans. Elles peuvent, cependant, conserver une faculté germinative jusqu’à 10 années et plus.
Les diverses variétés de Cucurbita pepo contiennent, par kilo, de 5 000 semences à 20 000 semences.
Les diverses variétés de Cucurbita maxima contiennent, par kilo, de 2 500 semences à 5 500 semences.
Les diverses variétés de Cucurbita moschata contiennent, par kilo, de 5 200 semences à 12 000 semences.
Création variétale
Bien que les courges soient fondamentalement des plantes allogames, il semble, cependant, qu’elle se soient adaptées à des conditions d’auto-fécondation.
Certains auteurs en Amérique mettent en avant différentes raisons. La première est le développement assez étendu des Cucurbita qui occasionne souvent une fécondation des fleurs femelles d’une plante par du pollen émanant de fleurs mâles de la même plante. La seconde est la pratique très courante chez les Amérindiens de mélanger dans le jardin les plants de maïs, de courges et de haricots, instaurant ainsi une certaine distance entre les plantes de la même variété.
Quoiqu’il en soit, l’auto-fécondation a été couramment utilisée par les obtenteurs pour créer de nouvelles variétés et il ne semble pas que les Cucurbita soient trop sensibles à ce que l’on appelle la “dépression génétique”.
En fonction de cela, il est très donc facile pour un jardinier de jouer à créer ses propres variétés en croisant deux variétés de la même espèce.
La technique est similaire à celle employée pour la pollinisation manuelle à la différence que les fleurs mâles proviennent de plantes d’une variété différente. Ainsi, la veille au soir on peut ligaturer des fleurs femelles de Golden Delicous (en forme de coeur) et des fleurs mâles de la variété Marina di Chioggia ( qui sont deux Cucurbita maxima). Le lendemain, la fécondation s’effectue comme expliquée précédemment. Il faut bien sûr ne pas oublier d’accrocher une étiquette au pédoncule en précisant les noms de la variété “réceptrice” et de la variété “mâle”. Les semences sont récoltées à l’automne et semées l’année suivante.
Lorsque le croisement a été réalisé avec des variétés très “purifiées” ( ce qui est souvent le cas des variétés dites à usage professionnel), il va générer des plantes de première génération qui vont être relativement semblables et il n’est pas nécessaire d’en cultiver un grand nombre.
Ce n’est, par contre, pas le cas lorsque les variétés utilisées pour le croisement sont des variétés à usage amateur avec des caractéristiques relativement variables. Le croisement va alors générer des plantes de première génération plus dissemblables et on peut en cultiver un plus grand nombre que dans le cas précédent.
Les plantes de cette première génération vont devoir être systématiquement auto-fécondées. Cela veut dire que les fleurs femelles de chaque plante sont pollinisées manuellement avec des fleurs mâles issues de la même plante. Le jardinier va sélectionner des fruits en fonction de critères telle que l’obtention d’un coeur de couleur bronze et à l’épiderme verruqueux. Il ne va récolter les semences que du ou des fruits sélectionnés.
Ces semences sont ensuite semées l’année d’après et les plantes qu’elles vont produire sont toutes auto-fécondées. Le jardinier de nouveau ne sélectionne que le ou les fruits en forme de coeur bronze et verruqueux. Ce processus va être répété durant plusieurs années jusqu’à ce que tous les fruits obtenus aient les caractéristiques sélectionnées à partir de la première génération.
La variété est ainsi dite “fixée”. Cependant, il est hautement probable que de temps à temps apparaissent des fruits que l’on appelle “hors type” en raison de la présence de gènes qualifiés de “récessifs”.
Une nouvelle variété peut également être créée lorsqu’on découvre dans le jardin une courge ne correspondant pas du tout à la variété semée. On peut appeler cela une mutation ou un cadeau des anges. Si le jardinier apprécie la couleur ou la forme ou la saveur ou la grande précocité du fruit hors type, il peut l’utiliser comme base d’un processus de sélection et d’auto-fécondation afin d’obtenir, après quelques années, une variété fixée ne produisant que des fruits similaires au fruit découvert dans le jardin.
Toute pensée est fragmentée.(Krishnamurti)
Toute matière est fragmentable.(Dictat atomiste du XXe siècle)