Les Bottes
Chaque été, nous prenions la direction du Soulié. La voiture chargée de valises déformées nous roulions une journée pour traverser la France. Les bouchons de ce début juillet transformaient l’habitacle en enfer. Trois grands gaillards qui n’en finissaient pas de grandir se tassaient sur la banquette arrière.
Nous arrivions au Paradis et allions y rester deux mois d’été. Perdu dans les collines du Quercy, la grange qui nous servait de logis était mon repère. Ni eau courante, ni électricité, perdu au bout du monde, plus rien ne pouvait nous arriver ! La nuit tombante nous contraignait à attendre l’aube pour commencer l’aventure. La nuit était trop courte pour m’empêcher de rêver de collines boisées, de champs vallonnés et de chasse au trésor.
L’aube filtrait à peine derrière les volets. J’avalais un chocolat au lait brûlant et courais au fournil chercher l’équipement de base indispensable à ma quête : une paire de botte en caoutchouc, un bâton, un panier. Le temps pouvait s’arrêter, rien n’empêchait la course du soleil de ma cramer les joues. Je retrouvais les chemins que j’avais laissé l’année dernière et dévalais comme un mort de faim le pré de Bahut. Passé les clôtures, j’étais seul dans l’immensité du vallon. J’entrais dans la pénombre de la châtaigneraie. J’allais devoir affronter un ennemi invisible. Tapis dans les bruyères, il se glissait sans bruits. Mon père avait toujours au frigo une dose de sérum prête à être administrée en cas d’accident. A chaque départ d’expédition, j’avais le droit au sermon paternel :
« Tu as mis tes bottes ? »
Des bottes en plastique qui me cuisaient les pieds et me râpaient les molets. Trop petites d’une année sur l’autre, elles avaient la faculté de rétrecir au fur et à mesure que mes pieds grandissaient. J’avais donc le droit d’affronter dans mes sorties solitaires la vipère qui faisait frémir mon père. Une seule fois, je la croisais. Elle a dû avoir plus peur que moi : elle disparu sous une fougère de crainte que j’écrase mon bâton sur son crâne. Une fois la forêt traversée, je découvrais enfin le champ de Lapergue. J’allais visiter le ‘triangle magique’, celui où les champignons ne s’arrêtent jamais de pousser. Je revenais les jambes en feu mais avec mon trophée. Je brandissais à ma mère mon panier de coulemelles.
Fricassée de coulemelles aux figues fraîches Allez cueillir un panier de coulemelles (n'oubliez pas vos bottes). Ne prenez que les plus jeunes, lames blanches, jetez les pieds. Passez sous un filet d'eau juste pour les dépoussiérer.
Coupez les en quartier et faites les revenir avec du beurre, jusqu'à ce que le liquide physiologique s'évapore
Coupez en lamelles la poitrine fraîche non fumée, faites la revenir avec les coulemelles
C'est aussi la saison des figues!
Ne les prenez pas trop mûres, elles deviendraient vite de la compote. Coupez les en deux et laissez les tiédir., elles doivent juste suer.
Servez chaud. L'alliance salée-sucrée fonctionne parfaitement!
Un plat vraiment économique et délicieux à réaliser en ce moment!