Hypero Tomo
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Slow Food "Elle était assise au bout du comptoir"
Elle était là, assise au bout du comptoir.
Je ne l’ai pas vue mais je m’asseyais à côté d’elle sur le tabouret. Elle se retourna, me sourit en signe de bienvenue : ça se voyait donc tant que ça que je n’étais pas d’ici ?
C’était un lieu unique ; le malt, le houblon. La bière était maison. Les garçons hurlaient des ordres, à d’autres garçons qui couraient chargés de bières mousseuses et débordantes, des flammenkueches fumantes et de waterzoi pantagruéliques. J’étais arrivé à Lille pas de doute. Je découvrais cette ville. On m’avait parlé des mines, de la sidérurgie et des filatures. Rien de cela, une élégante ville, harmonieuse et éclectique.
Je n’étais plus seul et pourtant je n’étais pas arrivé depuis 1 heure.
Le vent soufflait toujours dans la rue Faidherbe. Elle m’accueilli comme on accueille un étranger perdu. Le soir même elle m’invita à partager le repas familial.
Je ne me souviens pas du menu ce soir là. Personne ne s’en souvient d’ailleurs.
Si, une chose, juste une chose. C’est ce soir là dans une maison de Tourcoing que je l’ai gouté la première fois… Un rayon de soleil d’Andalousie à deux pas du Risquons-tout. Les saveurs étaient puissantes. On discernait l’ail et l’olive, mais j’étais incapable de dire ce qui se cachait dans cette sauce.
Les vinaigrettes de mon enfance étaient grasses et acides, un pensum. Fouettées avec une moutarde bon marché, elles étaient un supplice. « Il faut manger de la salade » finissait de me fâcher avec les sinistres laitues.
Des années plus tard, j’ai pu me pencher derrière son épaule pendant qu’elle préparait sa sauce, connaître le secret, et même si j’ai changé le vinaigre Xérès pour du vinaigre balsamique (crime de lèse majesté) elle ne m’en a pas voulu ; enfin si un peu quand même.
Depuis lorsqu’on passe à table j’ai le droit à: « Tu nous as fait une sauce Manoli ? »
La vie ne tient pas à grand-chose.
Elle était assise au bout du comptoir.
Et vous vous dîtes, c'est quoi cette sauce? Vous ne croyez pas quand même que je vais vous donner là, tout de suite, maintenant une recette que j'ai mis des années à avoir?
Bon d'accord
6 à 8 gousses d'ail (Violet ou Rose) Pour les ch'tis l'ail fumé d'Arleux est déconseillé à cause de son goût.
Huile d'Olive
Huile de noix
Vinaigre Balsamique ou de Xérès
Gros sel gris
Poivre du moulin
Trancher les gousses d'ail en copeaux. Eh bien oui, ne faites pas la même erreur que moi, ôtez les cœurs germés, ce sera plus digeste
Les faire rissoler à l'huile d'olive en les remuant pour qu'elles ne noircissent pas
Les mettre au pilon, la couleur des aulx doit être chamois. Rejeter les copeaux d'ail trop foncés. Ils seront amers et vont gâcher l'ensemble.
Piller les copeaux en laissant des morceaux, l'ail doit être sec pour être pillé
Ajouter le vinaigre balsamique et le vinaigre de Xérès. Réchauffer l'huile d'olive et la verser bouillante dans le pilon.
J'ajoute un filet d'huile de noix et je poivre
Ma salade préférée est la Romaine, craquante elle se prête à cette sauce à merveille
Les enfants en raffolent! Surtout avec du vinaigre balsamique. Ils l'aiment aussi avec des feuilles de chicon ( oh pardon endive )
Merci Manoli
Peyo
Candide Voltaire