Hypero Tomo
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Slow food "Les Pois Calés"
La casquette vissée de travers, une gitane maïs coincée à la commissure des lèvres, un sourire qui avait oublié ses dents, il me regardait sous ses tessons de bouteilles qui lui servaient de lunettes.
J’avais toujours connu le Père Bahut. C’est lui qui nous coupait les cheveux quand nous étions petits. Un bol mal ajusté sur le crâne, un coup de ciseau mal négocié, l’affaire était faite. Il nous faisait peur avec ses dents jaunies, la pénombre qui envahissait son logis et la loupiote faiblarde qui lui permettait de déchiffrer son journal.
Quand il ne coupait pas les cheveux des enfants, le père Bahut se mettait en quête de chercher les champignons. Il avait se coins et ne se déplaçait pas pour rien.
« Tu vois, je fais chauffer la poêle, et quand je leviens elle est juste chaude, j’ai plus qu’à les cuile »
Il revenait immanquablement avec un plein panier de girolles. Son panier, son râteau à faner, son joug, je les ai toujours. Les hommes n’avaient pas de métier, ils prenaient ce que la nature leur donnait. Il coupaient des châtaigniers de 8 ans, les faisaient tremper pendant des mois dans des bassines et les effeuillaient en dégageant les lamelles qui leurs servaient à tresser ses paniers. Quarante ans après ils sont toujours là, inoxydables.
Il est partit finir ses jours auprès de sa femme, dans une maison de retraite sordide.
« Tu comprends, ma femme, ça fait qualante ans que je l’ai pas vu, il faut que je rattlape le temps peldu »
Il est partit sans ses outils. J’y reviens parfois pour fouiller dans ma mémoire. Le vieil atelier sent encore le bois de châtaigner de huit ans qui sèche en attendant d’être tressé.
C’est lui qui m’a parlé des pois calés. Dans sa bouche sans dents, l’occitan aidant, la lettre « r » avait disparu à tout jamais. Depuis je sème des pois calés.
"Étuvée de gesses en jardinière"
Cueillez autant de gesses qu'il vous plaira
Un oignon rouge
Quelques feuilles de scaroles défraîchies
Ah les gesses, ni petits pois, ni fèves. Un légume oublié, broyé par les modes gastronomiques. Trop long à cueillir, trop long à éplucher. Mais il pousse tout seul, pas besoin d'engrais, pas de pucerons, pas besoin d'eau. Mais pas rentable, un à deux pois par gousse. Mais quel bonheur. Sucré, tendre, fondant sous la dent. Un petit bonheur buccal pour qui sait le désirer.
Faites fondre les oignons à feu doux, coupez la salade en tronçons, jetez les gesses dans la poêle. Déglacez à l'eau pétillante.
Laissez coufiner doucement. Salez, poivrez.
Dégustez.
Candide Voltaire