Hypero Tomo
Messages: 2255
Inscription: 19/05/2008
Ma tomate préférée: CDB orange
plaidoyer pour les mauvaises herbes
C’est cette phrase du bouquin de Ducerf qui a fait tilt : « A quoi peut servir une campagne d’arrachage d’une plante annuelle qui de toute façon disparaîtra à la fin de l’été, et dont les graines sont dans le sol depuis Louis XIII. On ne cherche pas à éviter la déstructuration du sol, cause de la levée de dormance de la graine, une fois de plus, on ne traite que les symptômes en supprimant la partie émergée de l’iceberg »
Je n’ai pas donné le nom de la plante dont il parle exprès, parce qu’on peut y mettre n’importe quelle plante, même vivace.
Dans son bouquin, il explique que les plantes indiquent les qualités physico-chimique des sols. Si la graine germe, c’est que les conditions de levée de sa dormance sont réunies. On saura comme ça qu’il y a eu le feu dans cet endroit du bord de mer parce que les ajoncs y poussent, ou qu’on a un sol très acide, ou très basique, ou très pollué, ou très compacté, ou très léger, ou pratiquement mort.
Mais ce qui sous-tend son discours, et que j’ai pu constater de visu, c’est que non seulement la plante pousse pour corriger le déséquilibre, mais aussi pour prévenir un déséquilibre encore plus grand.
Prenons ranonculus repens, mon bouton d’or, celle que tous les jardiniers détestent tant elle est envahissante et difficile à éradiquer.
Ducerf dit qu’elle est initialement une plante de marécages, et qu’elle indique un sol compacté, par piétinement ou travail par temps humide, engorgé en eau, à la limite de l’asphyxie, et donc proche de la déstructuration. Et je réalise que le chevelu de ses racines permet non seulement d‘aérer ce sol, mais aussi de le protéger quand on le piétine, parce que s’il n’y avait pas ces fines racines implantées droit dans le sol, en marchant dessus, on l’asphyxierait définitivement.
Le bouton d’or protège donc le sol de la déstructuration, comme la renouée du Japon ou le datura nettoient les sols pollués aux métaux lourds, comme l'ortie absorbe le fer en surcharge dans le sol, pour ensuite le restituer à celui qui la mangera… Difficile après ça de désherber son jardin.
Allez, je vous livre une autre citation d’un bouquin de « terre et humanisme » sur l’agro-écologie : « Si une espèce sauvage domine les autres, c’est[…] qu’elle capable de se fournir en éléments difficilement accessibles aux autre plantes. Elle concentre ces nutriments dans son feuillage et ses racines et les restituera à sa mort sous une forme assimilable par ses consœurs. Toutes ces « mauvaises herbes » nous renseignent donc sur l’état du sol et ses éventuelles carences, et travaillent à remédier à certains de ses déficits. Laisser pousser les « mauvaises herbes » et les faucher avant la floraison (pour limiter la dissémination des semences) est l’engrais vert le mieux adapté au sol, et le plus économique »
En gros le « terrain » s'équilibre pour préserver la santé… du sol.
J’ai le sentiment qu’on a quelque chose de fondamental devant les yeux, qu’on ne voit pas parce qu’on est trop spécialisé, mais que si on réunissait les pièces du puzzle, on arriverait à une compréhension globale de notre environnement… et là ça va très loin.
J'arrête, j'entends les ambulanciers qui arrivent. Mon Castor a raison, il faut vraiment que j’arrête de lire !